mercredi 28 janvier 2015

Marcher avec nos soeurs

Participé dimanche au démontage de l’exposition itinérante Walking with our Sisters au Musée Prince-de-Galles de Yellowknife. L’exposition a pour but d’attirer l’attention sur le nombre incroyablement élevé de femmes autochtones disparues ou assassinées au Canada depuis 30 ans.



Walking with our sisters comprend quelques 1700 paires de dessus mocassins décorées avec des perles posées sur le sol formant un cortège à la fois lugubre et magnifique,  magnifique à cause du talent des artisans plutôt anonymes qui ont créé ces pièces.
« Les œuvres ont été créées par des membres des familles, des amis, ou simplement des personnes qui se sentent concernées par ce drame, explique la conseillère aînée Fibbie Tatti. Elles mettent leur cœur là-dedans, leurs espoirs et leurs rêves. Elles veulent attirer l’attention sur cette tragédie. Ça leur apporte un peu de guérison de faire ça, même si on ne guérit jamais. »
Nous avions des listes avec de mauvaises photos numérotées des mocassins. Il fallait les mettre dans des boîtes dans un ordre très précis, de manière délicate et protocolaire sinon rituelle. On mettait de la sauge dans chaque boîte. Je pense que beaucoup des femmes qui faisaient ce travail avaient à l’esprit les disparues et leur famille.



1700 paires de mocassins c’est long à ranger, surtout quand tu essaies d’être respectueux… et que tu finis par regarder chaque paire… le travail naïf ou minutieux avec les perles, carrément bouleversant, les symboliques métisses et amérindiennes, les représentations du deuil, du chagrin, les médiums. C’était pas toujours les œuvres les plus achevées qui étaient les plus émouvantes.
Et sous chaque mocassin, il y avait un nom, un numéro, une origine géographique. Je recueillais de tout ça en tentant de ne pas trop laisser mon imagination et mon affect s’imprégner des tragédies. Des fois, on cherchait une paire de mocassins durant 15 minutes dans une des trois pièces de l’expo, on la trouvait pas, c’était comme une double disparition. La première femme avec qui j’ai travaillé était pas méthodique pour un sous, j’étais presque fâché après elle. Par contre elle avait un œil extraordinaire pour retrouver les œuvres récalcitrantes.
L’exposition Walking with our Sisters sera  à Whitehorse en avril  puis fera le tour du pays jusqu'en 2019. Au Québec, en 2017, on pourra la voir à Akwesasne, Odanak et Kanhawake